La maîtrise des polluants contenus dans les eaux de ruissellement urbain représente un volet porteur d’enjeux importants en matière de transition écologique et en particulier de préservation des milieux récepteurs.
Longtemps considérées que pour leurs impacts «quantitatifs» liés au risque d’inondation, les eaux de ruissellement urbain sont considérées depuis une vingtaine d’années comme une source chargée en micropolluants et représentent un enjeu majeur pour la gestion des polluants. La poursuite d’objectifs qualitatifs liés aux rejets d’eau de pluie est inscrite dans des textes réglementaires et administratifs qui, lors de nouveaux aménagements, prescrivent de trouver des solutions pour ne pas aggraver l’état écologique des milieux récepteurs.
Malgré cela, la prise en charge de cet objectif de qualité des eaux de ruissellement fait face à des nombreux défis qui peuvent être résumés à travers l’idée d’un changement de paradigme de l’assainissement requérant le passage d’une approche hydrologique à une approche environnementale.
La communication vise à montrer comment la question de la gestion des micropolluants émerge et est appropriée par les acteurs concernés. Le projet ROULEPUR (ONEMA), actuellement en cours, vise à tester les performances des dispositifs de traitement des micropolluants contenus dans les eaux de voirie en Île de France. La partie SHS du projet a conduit une analyse sociotechnique sur la conception, l’exploitation et la mise en expérimentation de plusieurs de ces dispositifs. Deux éléments émergent de cette analyse.
D’un côté, l’enjeu de la qualité est lié à une reconfiguration des compétences au niveau des administrations. La gestion de la qualité dans l’eau de ruissellement représente en effet une compétence «orpheline» au sein des administrations et qui demande une collaboration entre services – notamment assainissement, voirie et espaces verts. Cela prend des formes différentes selon les contextes. Dans certains cas, cette collaboration s’avère très difficile et prend la forme de conflits entre cultures et pouvoirs professionnel(le)s, en particulier entre, d’un côté, les ingénieurs civils qui représentent encore le cœur du métier des services d’assainissement et, de l’autre côté, les nouvelles figures professionnels formées aux enjeux environnementaux. Dans d’autres cas, la collaboration entre services est rendue plus facile grâce à la présence de passeurs….
Au-delà des collaborations entre services, les objectifs de qualité liés à l’eau de ruissellement se concrétisent au travers de la mise en place de «pratiques de la qualité» qui identifient des nouvelles formes de production du savoir. Avec le déclin de l’ingénierie d’Etat, et le manque de guides techniques dans ce champ spécifique de la qualité, les collectivités vont développer elles-mêmes des compétences en la matière. Cela implique de nouer des collaborations avec les scientifiques. Mais ces rapports ne définissent pas une relation qualifiable «de prestation» selon laquelle on demande aux scientifiques de fournir des solutions, des résultats et une expertise tout court. Il s’agit plutôt pour les collectivités de s’engager à côté des scientifiques pour mettre en place des procédés «validés scientifiquement» – liés à l’expérimentation et à l’évaluation des solutions. En d’autres termes il s’agit pour les collectivités d’apprendre à «faire de la qualité» à côté des scientifiques et avec les ressources et conditions – techniques, cognitives, culturelles et organisationnelles - propres aux contextes administratifs locaux.
Cela implique des définitions, pratiques et formes de savoirs plurielles de la qualité de l’eau de ruissellement au croisement d’une culture scientifique – standardisée, codifiée et «généralisable» – et de pratiques locales. De ce point de vue, la transition écologique du domaine de l’assainissement doit désormais prendre en compte cette pluralité pour la mise en place d’actions en matière de qualité des eaux de ruissellement.